L¹objectif principal de cet article est d¹éclaircir quelques aspects de la colonisation espagnole au Maroc entre 1912 et 1956, non encore étudiés. Nous souhaitons plus particulièrement mener une réflexion sur le thème des spécificités que présentait cette expérience coloniale. Nous tenterons de remonter aux origines historiques, démontrer son caractère périphérique et marginal, ses faiblesses et aussi ses points forts. Cette présence espagnole dans le nord du Maroc, pendant presque un demi-siècle, est passée quasi inaperçue. Il reste que quelques grands événements ont attiré l¹opinion publique nationale et internationale, c¹était le cas de la grande résistance menée par Mohamed ben Abdelkrim El Khattabi entre 1920 et 1926 contre l¹occupation espagnole du Rif, et la bataille d¹Anoual au cours de laquelle périrent plus de 12000 soldats espagnols.
L¹Espagne était perçue par les grandes nations coloniales comme une puissance de seconde zone. Son rôle consistait, pour les uns à combler un vide et pour les autres à en laisser peut-être un, en raison de sa faiblesse et de l¹incertitude de sa ligne de conduite politique hésitante au Maroc. Le manque de moyens financiers pour appliquer une politique similaire à celles des autres grandes puissances explique, dans une certaine mesure, la place secondaire occupée par l¹Espagne dans la question marocaine. En absence de grands intérêts économiques et politiques, les idéologues de ce colonialisme ont élaboré leur propre conception dans ce domaine. Selon eux c¹est un colonialisme qui visait à conquérir les c¦urs et les esprits, «légitime» car il se baserait sur les liens historiques et géographiques unissant les deux pays. Mais dans la réalité, la gestion de la zone d¹occupation au quotidien était une affaire assez compliquée pour tous les régimes qui se sont succédé en Espagne. Il y a d¹abord le maintien de la paix qui a coûté cher en pertes humaines et au Trésor public. Puis il fallait mettre les moyens financiers pour l¹équipement d¹une région qui n¹était pas très rentable au niveau économique. Ainsi chaque année l¹Etat espagnol devait injecter des sommes assez considérables afin de combler le déficit budgétaire dont souffrait la zone. Ce qui fait de ce colonialisme une affaire et une aventure d¹une poignée de militaires «africanistes».Les sources historiographiques
Trente ans après la mort du «Caudillo», le thème de l¹ancienne colonie espagnole, prend un intérêt particulier chez les universitaires espagnols, notamment les historiens. L¹histoire est la discipline qui a le plus enrichi la production bibliographique récente sur la présence espagnole au Maroc. Nous commencerons par donner une idée sur la bibliographie existante. Vu son caractère marginal, la colonisation espagnole au Maroc n¹a pas fait l¹objet de suffisamment de recherches, ni de la part des chercheurs marocains ni des chercheurs étrangers. Les historiens marocains favorisent les études portant sur le protectorat français, pour des raisons évidentes. Pour de nombreux chercheurs et pendant longtemps, la présence coloniale au Maroc se réduisait au protectorat français. Même jusqu¹aux années quatre-vingt du siècle dernier, les quelques études consacrées au protectorat escamotaient complètement la zone espagnole. La maîtrise de la langue espagnole étant indispensable pour la consultation des fonds documentaires concernant cette région, un grand nombre d¹historiens marocains ne maîtrisent pas cette langue. Depuis une dizaine d¹année cette situation a changé, nous assistons en ce moment à la prolifération des études sur ce qu¹on appelait le Maroc espagnol. Cela se manifeste par l¹augmentation du nombre de thèses doctorales présentées par ces chercheurs. Et également par la création de groupes de recherches spécialisés dans ces thèmes. L¹occupation militaire du Rif, la résistance armée menée par Abdelkrim El Khatabi se taillent la part du lion dans ces recherches. Cependant il faut dire qu¹il n¹existe pas vraiment de travail de synthèse présentant un bilan général de la colonisation espagnole. Les archives espagnoles concernées sont restées pendant longtemps inaccessibles. L¹ouvrage de Germain Ayache sur les origines de la guerre du Rif a été le premier travail à ouvrir de nouvelles pistes de recherches sur les relations hispano-marocaines et sur la présence espagnole dans le Rif (2).
Du côté espagnol, il faut citer les travaux remarquables de Maria Rosa de Madariaga (3).
Parmi les études récemment publiées il y a lieu de mentionner l¹ouvrage de Ramon Salas (4) et l¹ouvrage collectif publié sous la direction de Joan Nogué et José Luis Villanova (5) que nous considérons comme le premier travail de synthèse en la matière. Il présente un bilan assez complet du protectorat espagnol en accordant un intérêt particulier à l¹analyse du rôle de la géographie dans l¹action coloniale de l¹Espagne. Il faut citer également les nombreux travaux originaux de Eloy Martín Corrales, notamment ceux qui traitent du thème du protectorat à partir d¹un corpus graphique constitué d¹images, de gravures et de dessins, de la photographie et du cinéma (6). Nous avons là une démarche et une approche originales que l¹historiographie marocaine a toujours eu tendance à négliger. Et tout récemment deux autres études viennent d¹enrichir la bibliographie que nous venons de citer (7).
Aux origines de la présence espagnole dans le nord
L¹Espagne fut une grande puissance coloniale au début de l¹ère moderne (XVe/XVIe), à côté des Portugais et la pionnière des grandes explorations géographiques et des conquêtes coloniales. Cela lui a permis de dominer une grande partie du Nouveau Monde et de former ainsi un grand empire colonial. Le Maroc, son voisin sud, n¹échappera pas à cette poussée ibérique. Le XVe et le début du XVIe sont une époque charnière pour la méditerranée occidentale. L¹Espagne va poursuivre l¹¦uvre de fermeture de la façade marocaine entamée par le Portugal en occupant Ceuta en 1415. En 1497 soit cinq ans après la chute de Grenade le dernier bastion de l¹Islam en Andalousie et la découverte de l¹Amérique. Ainsi, l¹Espagne prend pied au Maroc. La prise de Melilla, par une flottille commanditée par le Duc de Médina Sydonia, au nom des Rois Catholiques, constitue la première conquête nord-africaine. Jusqu¹à 1492, par suite de la présence des Musulmans dans la Péninsule, on peut dire que l¹histoire du Maroc et de l¹Espagne se confondaient. 1492 marque la grande rupture. Toutefois des liens subsistent. L¹Espagne continue de s¹occuper des affaires africaines mais demeure un peu en marge du pays (8).
Après Melilla, les Espagnols occupent Ceuta (Sebta) en 1516 et quelques petits îlots : il s¹agît de l¹île de Badès (Peñón Vélez de la Gomera) occupée pour la première fois en 1508 et 1522, et puis d¹une façon permanente depuis 1564 le Peñón de Alhucemas (l¹île de Nekour) a été occupée en 1673. Puis les îles de Chafarinas en face de Cap de l¹Eau, pas loin de la frontière algérienne, occupées en 1848.
La guerre hispano-marocaine de 1859-1860 fait entrer activement l¹Espagne dans l¹histoire du Maghreb. C¹est cette guerre dont le traité de Tétouan en fut la conclusion, qui déclenchera le mouvement africaniste (9). En 1883, la Société de Géographie de Madrid organisa le congrès de la géographie coloniale et commerciale. De ce congrès naquit la Société des Africanistes et Colonialistes. Le meeting du théâtre d¹Alhambra à Madrid eut pour conséquence une série de pétitions adressées aux Cortes (parlement espagnol) en 1844-1885 par trente-quatre associations et organismes de Madrid, Valence, Valladolid, Séville, Huelva, Cadix, etc. Ensuite, par la «Sociedad económica de las Palmas», la municipalité de Ceuta, «El Eco de Ceuta». Ces pétitions étaient inspirées par la Société des Africanistes. Les Africanistes réclamaient le maintien de l¹indépendance du Maroc, le développement des relations diplomatiques et la participation de l¹Espagne au «progrès social et économique» du Maroc. La position des Africanistes était confuse en ce qui concerne l¹occupation militaire du Maroc. Au début ils défendaient l¹indépendance de celui-ci, mais en raison de la grande concurrence entre les grandes puissances coloniales pour occuper le Maroc, les Africanistes exigeaient du gouvernement de mener une politique plus ferme et plus ambitieuse. Joaquin Costa, grand Africaniste, résume les préoccupations des Africanistes et leurs souhaits de voir l¹Espagne occuper le Rif : «Le Maroc est le prolongement de l¹Espagne. Une partie des Rifains souhaitent l¹annexion de leur pays par l¹Espagne. En plusieurs occasions, ils ont fait des démarches dans ce sens, en particulier ceux des environs de Melilla. Malheureusement, le gouvernement espagnol n¹a aucune politique au Maroc, et le commerce espagnol avec ce pays est très insuffisant (4 % du commerce total du Maroc)» (10)
Après avoir perdu une grande partie de ses colonies en Amérique latine, «l¹avenir de l¹Espagne est au Maroc, puisqu¹elle était dépossédée de l¹Amérique» déclare Adolfo Alegret, secrétaire général du «Centro Comercial hispanomarroquí» de Madrid.. En 1883, Gonzalo de Reparaz (11), une autre grande figure du mouvement africaniste espagnol, publie un ouvrage intitulé «Marruecos, el Rif, Melilla». Il reprend le thème favori de ces Africanistes sur la similitude de l¹Espagne et du Maroc qu¹il appelle «España mauritana». Sa description de la population marocaine a pour but de prouver qu¹un même peuple vit sur les deux rives du détroit. Parallèlement, toute une action de propagande était menée pour intéresser l¹opinion publique espagnole aux affaires nord-africaines et de répandre l¹idéologie coloniale. (12)
Pour les ouvriers et les paysans espagnols, le Maroc représentait la terre promise : « C¹est au Maroc que se trouve notre futur, et c¹est là que nous avons le développement de notre population qui est aujourd¹hui désespérée par les émigrations suicides en AmériqueŠ» (13).
Vers l¹établissement du Protectorat
A la fin du XIXe, le Maroc était l¹objet d¹une rude concurrence entre puissances coloniales. L¹Espagne surveille de près l¹évolution de la situation politique chez son voisin du sud. Elle considère que le voisinage, l¹occupation des présides, une longue histoire commune, lui confèrent des droits particuliers sur ce pays, «une mission à accomplir» selon les termes des partisans de cette occupation. Elle estime également que son avenir serait en danger si la France ou l¹Angleterre s¹y installait. Elle considérait le Maroc comme le prolongement naturel de son territoire et de son apanage exclusif.
Suite à la signature en 1904 du protocole franco-britannique concernant le Maroc, les Espagnols commencent à s¹inquiéter des conséquences de cet acte diplomatique sur l¹avenir de leurs intérêts au Maroc. Le comte de Romanonès, ancien ministre libéral, adressa au président de la Société de géographie de Madrid (14) une lettre où il exprimait le v¦u que ce corps savant rédigeât un mémoire sur la question, mémoire qui éclairerait l¹opinion publique et lui servirait de guide. La Société de géographie commence par rappeler qu¹elle fut appelée déjà, dans une circonstance précédente, à formuler son opinion sur l¹attitude qu¹il convenait à l¹Espagne d¹adopter à l¹égard du problème marocain et que celle-ci se trouve exposée dans les mémoires adressés aux Cortés en juin 1884. Ces mémoires affirmaient qu¹il était impérieux pour les pouvoirs publics de «défendre l¹intégrité et l¹entière souveraineté de l¹empire marocain» et définissaient un programme étendu de mesures à prendre pour resserrer les liens unissant l¹Espagne au Maroc. Depuis cette date l¹opinion de la Société de géographie n¹a guère varié. Mais à cette époque là, la solution du problème marocain n¹était pas imminente. Depuis la signature de traité franco-britannique de 1904 par lequel le gouvernement anglais reconnaissait qu¹il appartenait à la France de «veiller à la tranquillité dans ce pays et de lui prêter assistance pour toutes les réformes administratives, économiques, financières et militaires dont il a besoin.» La Société de géographie a déclaré que si l¹action de la France devenait prépondérante dans l¹empire chérifien, il en résulterait, pour l¹Espagne, une situation désavantageuse, tant au point de vue politique que commercial.
Elle ajoute que si en raison des circonstances, l¹Espagne n¹est pas en mesure d¹exiger pour elle-même la première place au Maroc, elle peut prétendre, cependant, à coopérer avec la France, sur un pied d¹égalité, à la « mission civilisatrice à accomplir sur les territoires du sultan.» Elle demande aussi la cession à l¹Espagne d¹un port sur l¹Atlantique, port qui lui avait été accordé par le traité conclu par elle avec le Maroc en 1860.
Dans la seconde partie de ce mémoire, la Société de géographie trace au gouvernement une ligne de conduite à suivre pour étendre son influence au Maroc et faciliter la participation de l¹Espagne au développement économique de ce pays. Elle demande des subventions de l¹Etat en faveur des entreprises espagnoles qui se constitueront au Maroc. Une grande partie de la presse espagnole avait un regard critique sur cette politique espagnole. Prenons l¹exemple du Heraldo de Madrid daté du 26 mai 1914 qui écrit «les Français et les Anglais ne contestent pas que l¹influence de la Castille ait remplacé au Maroc, à la fin du seizième siècle, celle du Portugal et que, depuis cette époque, elle se soit maintenue prépondérante moralement. Mais l¹Espagne s¹est montrée très négligente, qu¹elle a accompli une ¦uvre belliqueuse et monacale, et non pas une ¦uvre économique et commerciale, la seule qui vaille au vingtième siècle. Pendant que nous faisions des prières ou que nous nous battions, l¹Angleterre et la France, nations plus pratiques, entreprenaient la conquête économique et commerciale du Maghreb et profitaient de la campagne de O¹Donnell et de Prim (1859-1860) pour tirer les marrons du feu.» Le journal madrilène, reprenant les statistiques du commerce extérieur du Maroc, montre que l¹Espagne y tient une petite place par rapport à la France et à l¹Angleterre. «C¹est pour cela, disent ces puissances que la prépondérance de l¹Espagne au Maroc est du domaine historique et non du domaine réel présent. Nos arguments, l¹invocation des droits et des destinées de la patrie d¹Isabelle la Catholique, doivent avoir peu de poids à Paris.» (15)
La conclusion du rapport de la Société de Géographie se résumait ainsi : d¹une part l¹Espagne n¹a pas su développer son commerce au Maroc malgré sa situation privilégiée de voisin immédiat, son immigration, l¹usage de sa langue et de sa monnaie. D¹autre part ses possessions, pourtant bien placées pour lui assurer une grande influence matérielle et morale et faciliter sa pénétration économique, ne constituent pour elle qu¹une charge improductive.A la fin du XIXe l¹Espagne souffrait de graves problèmes économiques et sociaux écartant toute possibilité d¹expansion extérieure notamment après la grande défaite coloniale de 1898, suite à laquelle l¹Espagne a perdu ses dernières colonies en Amérique latine et aux Philippines. L¹économie était frappée par l¹arrêt soudain des commandes pour la guerre, et un prolétariat déjà puissant donnait naissance à une sérieuse agitation sociale et politique.
Face à tant de périls, le régime menacé, ne voyait de recours que dans l¹armée. Mais cette armée était en crise « battue et humiliée, elle avait dû se regrouper en Péninsule où elle rongeait son frein, n¹ayant guère de raison d¹être. Officiers sans soldats, cadres en demi-solde, loin d¹aider le régime, risquaient, bien au contraire, de se retourner contre lui. D¹où la nécessité impérative de leur ouvrir un nouveau champ d¹action, avec la perspective d¹une revanche, de récompenses, d¹avancement. Or, le Maroc tout proche, était alors visiblement voué à la conquête, et en Espagne, où sommeillaient toujours des souvenirs de guerre aux infidèles, il remuait des sentiments patriotiques et religieux. »16
Il y avait déjà une forte rivalité entre France, Angleterre et Allemagne. L¹Espagne ne pouvait se mesurer à ces puissances. Elle était cependant soutenue par l¹Angleterre qui ne voulait pas de la France face à Gibraltar. En même temps l¹Espagne n¹entend pas rester à l¹écart ; la géographie, l¹histoire et la politique font qu¹elle ne peut rester étrangère à ces questions.A l¹origine c¹est le gouvernement français qui a signé le traité de protectorat du 30 mars 1912 avec le Sultan marocain Moulay Hafid. Dans le premier article de ce traité les Français s¹engageaient à «se concerter avec le gouvernement espagnol au sujet des intérêts que ce gouvernement tient de sa position géographique et de ses possessions territoriales sur la côte marocaine». La France se réservant la part du lion en occupant les régions les plus riches du Maroc, la superficie de sa zone était vingt deux fois plus grande que celle cédée à l¹Espagne.
Elle disposait de grands moyens financiers pour la mise en valeur du pays. Laissant à l¹Espagne une petite et pauvre région montagneuse (20.000 kilomètres carrés.) Ce petit territoire presque tout recouvert par le massif rifain, était, pour les deux tiers, un terrain montagneux et inculte (17).
Au niveau économique il n¹y avait rien qui pourrait intéresser le capital espagnol, exception faite des mines de la région de Melilla et les plaines du Loukos sur la côte atlantique। Les 20.000 km2 du Rif et de Jbala, ³ces deux os usés qui nous ont été cédés à grand-peine par la France impérialiste, et dont la pacification a coûté à l¹Espagne 0,97 morts, 1,36 blessés et 170.000 pesetas par kilomètre carré» (18), n¹ont pas fait de l¹Espagne une grande puissance coloniale. En outre, l¹Espagne n¹avait pas les moyens financiers indispensables pour la mise en valeur de sa zone. Surtout qu¹elle traversait une période trouble de son histoire, marquée par le chômage, l¹agitation sociale et politique. Enrique Arques (19) résume bien cette situation. « Si l¹on considère l¹¦uvre intérieure de l¹Espagne si désorganisée et troublée, on comprend l¹abandon absolu dans lequel ces questions graves sont restées. Comment s¹occuper du Maroc, lorsque dans notre propre pays l¹on ne trouve pas de remède à tous les maux qui aboutissent maintenant honteusement à la cherté de la vie, à la pénurie de transports, aux ruines et aux discordes des oligarchies de la décadence ?». Il en résulte que la présence espagnole au Maroc a été marquée par la médiocre situation économique et politique interne. En même temps la France exigeait d¹elle de se cantonner dans une étroite zone montagneuse, et condamnée en quelque sorte à une présence anonyme. De fait c¹est la France qui est la puissance protectrice du Maroc en signant le traité du protectorat avec le sultan du Maroc.
Par Mimoun AZIZ.
* (Faculté des Lettres et Sciences Humaines. Université Moulay Ismail de Meknès.) (a suivre)
Posté par Ibn Khaldoun, 27 juillet 2006 à 15:05
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